Après avoir tourné dix ans avec son spectacle Alex Vizorek est une oeuvre d’art, où le Belge taquin moquait avec gourmandise et érudition diverses formes d’art, il se met au service de Prokofiev pour conter sur scène Pierre et le loup. Entre autres activités stylées.

L’Express : Faut-il que vous vouliez changer de style pour devenir conteur !

Non, je trouve génial qu’on ait pensé à moi pour conter Pierre et le loup. Je commence par faire deux ou trois blagues sur la musique, mais très vite, je m’efface au profit de Prokofiev et je colle à son texte sans rien trafiquer. Quand on est humoriste, on ne nous relie pas à la grande culture. Pourtant, on pourrait nous aussi être les vecteurs de grandes oeuvres. En juillet 2018, le festival de la correspondance de Grignan m’a demandé de lire des lettres de Baudelaire à sa mère -il est tellement insultant avec les Belges qu’il n’y avait qu’un Belge justement pour les lire ! J’étais ravi.

A partir de quand et pourquoi les Belges sont-ils devenus stylés ?

Je le situe au milieu des années 1990, avec l’arrivée chez vous de Benoît Poelvoorde et Philippe Geluck qui ont donné une image du Belge plus décalée qu’idiote, plus fine que lourde. C’est à ce moment-là qu’il est devenu hype d’avoir un ami belge. J’ai même eu une amoureuse qui m’a avoué qu’à une autre époque, elle n’aurait pas assumé de sortir avec un Belge, alors que là, elle en éprouvait une certaine fierté.

Lors de votre one-man-show, vous incitiez les spectateurs à s’interroger. Et vous, quel style de questions vous posez-vous ?

Je me demande parfois si on est une espèce très intelligente, si l’être humain est un genre d’aboutissement. Quand on engendre un SDF par exemple, je me dis qu’aucun animal ne fait cela. De la même manière qu’aucun autre être vivant ne fait disparaître des espèces entières.

Êtes-vous d’accord avec André Malraux qui disait que l’art est ce par quoi les formes deviennent style ?

C’est plutôt bien dit. Il existe plein de définitions de l’art. Je suis d’accord avec Joseph Beuys [artiste contemporain allemand, NDLR] quand il dit que l’art est ce que l’artiste décide. Ça renvoie à Marcel Duchamp qui accrochait un porte-manteau et décrétait que c’était une oeuvre d’art. Le coup de la banane de Maurizio Catellan [le fruit scotché à un mur a été vendu 120 000 dollars à la foire d’art contemporain de Miami, NDLR], ça me va. L’art, c’est la supériorité de l’humain. Il fait vivre un artiste -à condition que les fonds ne proviennent pas de l’argent public. Malraux tend à ce que l’art soit esthétique. Personnellement, je ne trouve pas cela obligatoire.

Vous produisez La convivialité qui remet en cause notre orthographe. C’est quel style de spectacle ?

Bien que nul en orthographe, j’étais assez conservateur. Quand j’ai découvert ce show interactif, j’ai été victime du syndrome de Stockholm ! Après tout, l’orthographe a-t-elle toujours raison ? Il n’y a aucune science qui n’a pas évolué, alors pourquoi pas l’orthographe ? Pourquoi, par exemple, écrire nénuphar ainsi et pas avec un f ? Parce qu’un vieil académicien en a décidé ainsi ? La Convivialité répond à ce genre de question. Avec humour et arguments.

Si vous étiez une oeuvre d’art, à quel style appartiendriez-vous ?

Surréaliste, car le mot est beau déjà. Et les Belges ont une bonne gestion de ce courant. On cite souvent Magritte, mais il y en a eu beaucoup d’autres. Esthétiquement, je suis plus impressionniste -je suis allé voir une bonne dizaine de fois au musée Monet de Marmottant. On peut donc me considérer comme un impressionniste surréaliste.

Théâtre Pierre et le loup, du 26 au 28 décembre, Folies Bergères (Paris IX).

La Convivialité d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, chaque dimanche à 16h et lundi à 20h, théâtre Tristan Bernard (Paris VIII).

Radio Par Jupiter !, du lundi au vendredi à 17h, sur France Inter.