L’Express : Votre spectacle s’intitule Titre… Ne seriez-vous pas du style fainéant ?

Jarry : Pas du tout. C’est juste que je ne voulais pas me prendre la tête. J’avais beaucoup ri dans Le Dîner de cons, avec les dialogues très drôles liés au patronyme de Juste Leblanc. Je savais que « Titre » donnerait lieu à ce même genre de situation en interview. Je me souviens notamment de Nikos [Aliagas, sur Europe 1], qui me demande le titre du spectacle. Je lui réponds : « Titre ». Et lui d’insister : « D’accord, mais c’est quoi, le titre ? » Et comme ça pendant cinq minutes ! Au-delà de cela, c’est dans l’esprit du show. A la fin, par exemple, je demande toujours au public de choisir le titre d’une chanson à interpréter pour Mme Macron. C’est drôle, d’ailleurs, car cela varie en fonction de l’actualité. J’ai eu A la queue leu leu, Ce n’est qu’un au revoir, Ça va, ça vient, Allumer le feu…

Rappelons que vous avez participé en 2017 à une pétition pour soutenir Emmanuel Macron face à Marine Le Pen…

C’est vrai. Disons que qui aime bien châtie bien…

En bon angevin que vous êtes, l’expression bien de chez vous « Ce n’est pas au fût qu’on connaît le vin » correspond-elle à votre style ?

Ça me ressemble tellement ! J’ai mis du temps à me trouver. Ma vie est l’inverse de celle d’un comédien qui revêt des déguisements pour cacher sa personnalité. Moi, il a fallu que j’en enlève pour savoir qui j’étais. Je dis souvent aux gens de venir me voir sur scène, parce que c’est là qu’ils verront qui je suis vraiment. Un peu comme si je les invitais dans ma chambre. Ils n’auront pas droit au coït, mais à tout le reste !

Quel style de papa êtes-vous avec vos jumeaux ?

J’essaie d’être autoritaire. Mais ce n’est pas gagné. Dès qu’un des deux pleure, je me sens obligé de m’excuser. Tout le monde dit qu’il faut tenir, être ferme… Je me promets que, la semaine prochaine, je tiendrai. Et puis, trois ans et demi plus tard, je m’aperçois que le mode autoritaire n’est toujours pas enclenché. Mes enfants me disent que mon métier, c’est faire rire les gens. J’ai peur, si un jour ils me disent que je ne suis pas rigolo, de perdre confiance en moi.

Vous chantez à plusieurs reprises dans votre spectacle. Quand vous êtes-vous aperçu que vous aviez ce genre de talent ?

Je ne suis toujours pas persuadé d’en avoir un ! Je me suis lancé ce défi comme une blague. Et, au bout du compte, j’y prends du plaisir malgré moi. Ça permet de montrer un Jarry plus sensible. Ça me donne aussi un côté plus hétéro et j’ai l’impression que je vais coucher avec plein de femmes – alors que j’ai arrêté depuis un bon moment !

Quand vous n’êtes pas sur scène, que se passe-t-il ?

Je consacre 75 % de mon temps libre à la plongée sous-marine. J’ai découvert cela il y a six ans, en Thaïlande. Là, je pars plonger à l’île Maurice avec des baleines. Par ailleurs, je suis parrain de l’association NatureDive. On compte les espèces, on installe des aires marines protégées, on réintroduit des coraux… On fait cela en Méditerranée. On tente également de protéger les mérous du braconnage. On forme les pêcheurs au comptage sur les sites, et on guette les contrevenants au port. Quand on tombe sur des marins hors-la-loi, on appelle la police.

Votre pseudo, Jarry, est le nom de famille de votre mère. Lambert, celui de votre père, n’était pas assez stylé ?

En fait, j’adore Ubu roi d’Alfred Jarry. Juste pour me la péter, je dis aux journalistes que je suis de la même famille (alors que c’est totalement faux !). Ça me permet de savoir s’ils ont de la culture. Quand ils ne savent pas qui c’est, je me dis que l’interview va être longue… J’ai lu récemment dans Les Euphorismes de Grégoire Lacroix [éd. Max Milo] cette question : « La culture est-elle le seul moyen d’échapper à la stupidité ? » Evidemment que oui ! Elle permet aussi d’échapper à l’égoïsme, à l’égocentrisme et de mieux comprendre l’autre.