C’est un vendredi soir d’automne, un jour pourtant favorable aux sorties. Dans ce grand théâtre du Xe arrondissement de Paris, les fauteuils de l’orchestre sont presque tous occupés pour la représentation. Mais l’indicateur est faussé : tous les spectateurs, même ceux des premiers et deuxièmes balcons, ont été regroupés pour offrir une vision moins angoissante à l’artiste seule en scène. Car ce soir, comme beaucoup d’autres soirs dans de nombreuses salles de spectacle en cette rentrée 2021, la jauge est loin d’être remplie.

Le phénomène est hautement préoccupant pour le spectacle vivant – le théâtre, la musique, la danse, l’humour… -, qui a tellement besoin d’une reprise forte, après des mois de cauchemars dus à la pandémie, aux confinements et aux fermetures obligatoires. Il est source d’inquiétude pour une filière exsangue, que les aides ont soutenue, tant bien que mal, mais dont la situation économique est plus que fragile.

Le public face à un « trop-plein »

Si cette rentrée est balbutiante, c’est en partie la faute aux soubresauts – les derniers, on l’espère – de la crise sanitaire, qui obligent tous les opérateurs à prendre des précautions susceptibles de rebuter le public ou d’abîmer « l’expérience-client », selon l’expression habituelle. Mais ces opérateurs sont responsables et capables d’assumer et de gérer toutes ces contraintes. De plus, toutes les précautions sont maintenant bien ancrées dans nos vies quotidiennes, où elles nous accompagnent partout.

Un autre handicap, que l’on espère seulement conjoncturel, pèse sur le spectacle vivant en cette rentrée et continuera à se faire sentir dans les mois à venir. Après le vide des longs mois de fermeture, les amateurs de théâtre, musique et autres arts se retrouvent face à un « trop-plein » : résultat de la combinaison d’une volonté effrénée de créer et de produire de nouvelles oeuvres, de nouveaux émois, de nouvelles rencontres, et la nécessité de proposer en même temps une grande partie des rendez-vous qui avaient dû être annulés ou reportés pendant la pandémie. Et ce dernier quadrimestre 2021 risque fort de n’être qu’un préambule à une année 2022 de tous les embouteillages…

Redonner l’envie de sortir

Artistiquement stimulante et économiquement motivante, la concurrence a un revers, celui de confronter le consommateur-client-amateur à une offre surchargée. Il est donc urgent que nous tous, acteurs de la chaîne de valeur, de l’acte d’achat à la délivrance de cette expérience du spectacle vivant, soyons attentifs à offrir la plus grande qualité à chaque étape.

L’offre de spectacles est belle, plus belle qu’elle ne l’a jamais été sans doute, les têtes d’affiche sont au rendez-vous, les promesses magnifiques. À nous de savoir redonner l’envie de sortir aujourd’hui en retrouvant les repères d’hier, attirer les clients tout en les rassurant. Chacun, à sa place, se doit de viser l’excellence, avec cette obsession : ramener le public dans les salles pour qu’il profite au mieux de cette occasion toujours unique qu’est un spectacle, quelle que soit sa nature et son ampleur. Parce que dans notre secteur aussi, la vie doit reprendre. Faisons tout pour que l’expérience soit à chaque fois la plus belle. Et pour que vraiment, le spectacle (re)commence.

Grégory Hachin est le CEO de la billetterie Le Figaro (Groupe Figaro)