Le meilleur événement musical de ce long confinement ? Non, ce n’est pas l’interminable concert organisé par Lady Gaga cette semaine, mais la sortie, vendredi dernier, du cinquième album de Fiona Apple, après huit ans de silence. On se rappelle son tout premier opus, Tidal, sorti en 1996, alors qu’elle avait 18 ans : elle y évoquait le viol subi alors qu’elle avait 12 ans. Cet album, violent et romantique à la fois, avec ses envolées au piano, a accompagné notre adolescence, comme une succession de poèmes sonores. Entièrement composé dans l’espace réduit de sa propre maison de Venice Beach, dans un confinement volontaire, Fetch the Bolt Cutters est magistral.

Un album magistral

C’est un album de colère, de triomphe, de bricolage virtuose. Les rythmes proviennent de la cuisine, des casseroles, des batteries, des aboiements de chien, des souffles et des chuchotements, des claquements de mains… C’est un album qui n’a peur de rien, porté par la voix de la chanteuse américaine, qui semble avoir décidé de ne faire aucune concession à la pop : les mélodies disparaissent parfois totalement, comme si cela n’avait plus d’importance.

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Les 13 titres de l’opus ont tour à tour une note jazz (Heavy Ballon) ou soul (Ladies), il y a du rock, il y a du blues. Sur le titre éponyme, elle déclame les paroles plus qu’elle ne les chante. Le très influent site Pitchfork lui a accordé la note de dix sur dix : c’est exceptionnel, parce que cela n’était pas arrivé depuis dix ans, et surtout, cela n’était jamais arrivé pour une artiste féminine (hors rééditions). Les textes sont amers, cinglants, libérateurs: « I won’t shut up » (je ne me tairai pas), scande-t-elle furieusement dans Under The Table, où elle décrit un dîner pendant lequel elle reçoit des coups de pied sous la table. C’est tant mieux.

Fetch the Bolt Cutters, Fiona Apple, Sony.